TEMPORARY BOUNDARY

A SURVEY ON CHINA CENSURED VIDEOS & PHOTOGRAPHS
07 novembre - 19 décembre, 2015

Artistes
WU JUNYONG  | XU YONG  | MA YONGFENG  | HUANG XIANG  | CHEN SHAOXIONG  | FENG MO YI  | HEI YUE  | GAO BROTHERS  | CHI PENG  | AI WEIWEI  |  ZHANG DALI  |  JIANG ZHI  |  REN HANG  |  LIU BOLIN


Temporary Boundary est une proposition curatoriale en deux volets, révélant un regard sur les mécanismes de la censure en Chine à travers une sélection d’œuvres photographiques et vidéos.

La Galerie Paris-Beijing est très fière d’accueillir le commissariat de CIFA-China Independent Film Archive pour la partie vidéo de l’exposition.

Dans la partie photographique dont la sélection a été pensée par Romain Degoul, fondateur de la Galerie, on retrouve notamment des travaux des Gao Brothers : depuis les années 80, les deux frères pratiquent la satire politique à travers leurs œuvres – ce qui leur vaut une étroite surveillance. Régulièrement, deux gardes sont postés à l’entrée de leur atelier.

La photographie Now-ing, de Chi Peng a été censurée au beau milieu de la foire SH Contemporary à Shanghai, où le galeriste a dû commencer par recouvrir l’œuvre d’un drap avant de la retirer… pour finalement la vendre à l’ami du censeur amusé par toute cette polémique… !

Ce sont autant de petites histoires que nous racontons au travers de l’exposition.

Avec Memories of 1989, Mo Yi – témoin direct des événements de la place Tiananmen – documente à sa façon un événement tabou en Chine. Toutes ces années, ses photographies sont restées cachées en lieu sûr. Avec son autre série d’autoportraits Prisoner (1997), Mo Yi se photographie sous toutes ses faces, de la manière dont on réalise les portraits de prisonniers. Des coupures de presse relatent Tiananmen. Ces images iconiques sont des exemples typiques d’autocensure.

Ici, les décors choisis par Liu Bolin pour réaliser ses photo-performances sont fortement empreints d’un symbolisme politique, tels que des slogans de propagande ou le drapeau national, dont l’utilisation est absolument interdite en Chine.

Le Quatre Juin 1989, le photographe chinois Xu Yongétait présent place Tiananmen. Il aura fallu un quart de siècle pour qu’il se décide à scanner ses clichés… Et c’est avec beaucoup d’émotion que nous dévoilons avec lui aujourd’hui ces précieux clichés, présentés en négatif.Le but de Xu Yong est de revisiter cet important évènement historique et de réfléchir aux conséquences de la censure de ce drame sur la conscience collective et la société chinoise actuelle. Car pour lui : « les négatifs ont un impact plus direct que les photos pour montrer l’évidence contre la tentative d’effacer ou de faire oublier un fait historique ». En recréant cet effet ancien des négatifs sur plaques photographiques, Xu Yong nous rappelle que le gouvernement chinois interdit toujours de s’exprimer publiquement sur le massacre de Tiananmen et que toute commémoration des faits et des victimes est strictement proscrite. Ces images négatives soulèvent aussi la question de la mémoire collective des évènements du Quatre Juin 1989. La représentation exacte des faits historiques semble contrainte dans la noirceur des négatifs, obligeant les yeux des spectateurs à un effort d’observation et de recherche dans l’image.

Second History, une enquête sur les photographies de propagande maoïste menée par Zhang Dali pendant des années où il rapproche en un même tableau des photographies originales en les confrontant aux journaux et documents de l’époque. Les manipulations faites à l’époque pour sublimer l’image du Grand Timonier est un drôle de clin d’œil à Photoshop… !

Le thème de la sexualité est récurrent chez Ren Hang(1987) : corps nus emboîtés, femmes seules fumant sur un toit de la ville ou nues dans un arbre, mais aussi scènes de baisers, d’étreintes, toujours empreints d’une grande poésie. On pense à Nan Goldin, en moins subversif, car Ren Hang ne veut pas être explicite, ni afficher ouvertement sa sexualité, c’est surtout un espace de liberté que ses photographies ouvrent. Des gens ont craché sur ses œuvres et il a déjà dû annuler des expositions à cause de la censure. On peut lire dans son travail le malaise profond de la jeunesse chinoise, mais finalement surtout leur plaisir d’être ensemble, la force des liens qui les unissent et la confiance mutuelle qu’ils se portent. Les corps nus et les scènes sexuelles du travail de ce jeune pékinois heurtent, à ce jour encore, la morale chinoise.

Les animations de Wu Junyong ont le même effet déstabilisant qu’une fable d’Ésope ou qu’un conte de Grimm : peuplées par des rois, des bouffons et des animaux, les vidéos utilisent les codes d’un marionnettiste et de la performance pour critiquer la cupidité et l’orgueil de la société. Presque gothique dans leur esthétique, elles sont marquées par un esprit sombre qui semble intemporel, traversant la mythologie chinoise et occidentale pour exposer les folies de l’autorité. Dans l’œuvre de Wu, où le dessin permet une grande liberté, un étrange sentiment d’ambiguïté plane dans le fait que des images si violentes peuvent nous paraître si attrayantes.

Dans A Day to Remember, Liu Wei interroge des étudiants à la sortie de l’Université de Pékin, le 4 juin 2005, le jour du 16ème anniversaire de la répression de Tian’anmen. Il leur pose à tous la même question : «Savez vous quelle date nous sommes aujourd’hui ?» Même si quelqu’un ose répondre correctement, la majorité des passants détourne la tête, d’autres resteront silencieux face à la caméra ou diront qu’ils n’en ont aucune idée : « je ne sais pas », « je ne veux pas répondre » ou encore « éteins la camera », sont les réponses plus communes. Liu Wei filme les réactions des passants à une question à l’apparence très simple et il démontre de manière convaincante que la révolte est encore un sujet tabou en Chine. Le sang qui coulait à l’époque a été remplacé par le silence. Beaucoup de jeunes ne sont pas conscients que le sujet traité était interdit dans une conversation pendant des années, et que la révolte a été couverte par les autorités. Une façon de rompre le silence en montrant le déni.

Artiste très engagé, Ma Yong Feng crée en 2009, Forget Art, un organisme de mobilisation sociale qui opère selon une série de tactiques alternatives de micro-résistance, et ce, à travers différentes formes d’expression artistique et d’utilisation des réseaux sociaux. Par son œuvre The Swirl, l’artiste nous témoigne de la difficulté d’exercer son art dans une société post-totalitaire où le contrôle est exercé de façon aussi totale qu’invisible. Cette vidéo de 15 minutes bouleverse autant par sa composition optique que par sa dureté. Le regard est immédiatement dirigé vers le tambour ouvert d’une machine à laver. Six poissons rouges y sont tourmentés et malmenés. L’inutilité du tourment et l’impuissance de la situation peut-être lu comme une métaphore de la torture. Elle peut également être perçue comme une critique sociale et une observation cynique de l’existence de l’artiste.

En 2011, Huang Xiang a été placé en détention criminelle pendant un mois suite à sa performanceJasmine Flower. Après sa libération, il a été limité dans sa poursuite de production artistique et d’expositions en Chine. Aujourd’hui, Huang Xiang est principalement engagé dans le cinéma indépendant. Il a produit et réalisé ses premiers films Roast Chicken et Yumen. Ce dernier film a récemment reçu le grand prix Taiwan International Documentary Festival. Sa performanceDemolition dévoile une fois de plus la volonté artistique de s’exprimer face au pouvoir en place. La performance a été filmée en soirée : un homme se met nu et se tient droit sur un sol en pierre. Huang se change pour une tenue d’infirmière. Équipé des différents ustensiles de chirurgien, Il grave au scalpel le mot « Démolition » en chinois sur le torse du prestataire. Une photo du rendu final est prise et est dévoilée durant la même soirée sur les vitrines d’un magasin. Immédiatement, les autorités arrivent et tentent de recouvrir l’impression.

Chen Shaoxiong a été un membre fondateur du Big Tail Elephant, un groupe d’artistes conceptuels actif à Guangzhou dans les années 1990. Aujourd’hui, il travaille à la fois individuellement et en collaboration en tant que membre d’un collectif d’artistes asiatiques appelé Xijing Men ainsi qu’un autre collectif d’artistes chinois, Project without space. Son art traverse différents médias, dont la peinture, la photographie, le collage, et l’art conceptuel. Pour Ink History, Chen a créé plus de 150 dessins à l’encre de photos historiques de grands événements en Chine de 1909 à 2009. Par la suite, Il a tourné les dessins dans une vidéo de trois minutes qui retracent l’histoire de la Chine Moderne, avec le tic-tac d’une horloge en arrière-plan.

Dans ses vidéos de surveillance, Jin Shan a recruté deux volontaires pour être mis en scène dans un véritable scénario à la limite du sadique, une méditation sur les manières que nous avons à consentir certaines de nos libertés. L’artiste crée des scénarios absurdes et inattendus qui révèlent le désir de l’homme d’être contrôlé. Grâce à cela, il explore subtilement la définition de la liberté : l’impact de la violence à la fois visuelle et psychologique de ses images transmet un profond sentiment de gêne et d’inconfort, qui incarne les multiples facettes de la notion de liberté.

Jiang Zhi est l’un des artistes vidéo les plus importants de Chine. Lauréat du Art ontemp de la en 2000, il s’exprime sur divers aspects de la société turbulente de la Chine moderne, de l’éloignement de l’existence individuelle au rythme effréné de nos vies sociales. L’installation vidéo Onward ! Onward ! Onward ! (2006) représente les dirigeants chinois Mao Zedong, Deng Xiaoping et Jiang Zemin, courant l’un après l’autre. Leur action de mouvement sans fin représente la foi dans le progrès, comme le résumait le slogan populaire, «Tant que nous courrons, nous serons toujours en train d’avancer», tout en soulignant que la notion de destin est profondément enracinée dans cette société.

L’exposition projette enfin le documentaire Ai Weiwei: Never Sorry de Alison Klayman. Cette jeune réalisatrice américaine a filmé au quotidien la lutte d’une des figures les plus emblématiques de la dissidence. Ai Weiwei est connu dans le monde entier pour son attitude critique et son militantisme qui, à l’ère du numérique, inspirent un public mondial et brouillent les frontières de l’art et de la politique. Pour son premier film, Alison Klayman a pu avoir une approche sans précédent de la démarche artistique d’Ai Weiwei, en travaillant comme journaliste en Chine. Le portrait détaillé qu’elle en fait apporte une exploration nuancée de la Chine contemporaine et de l’une de ses plus importantes figures publiques.